Archimède Analyses
  A la Une
L'évènement de la semaine

  Toute l'actualité
Les articles de la semaine Archives du mois précédent

  Nos dossiers
Publication d'analyses et de travaux scientifiques inédits

  Annuaire
Répertoire des sites Internet scientifiques et techniques

  Présentation
Informations sur Archimède Analyses et sa réalisation
Rechercher un mot sur Archimède Analyses



Dénoncer les changements climatiques

"Les médias ont le devoir d'informer. Ils doivent jouer un rôle critique. Expliquer pourquoi les enjeux environnementaux sont importants. Quelles sont les causes, les risques et les impacts non seulement environnementaux, mais aussi sociaux des changements climatiques" explique Robert Watson, président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) de l'ONU. "C'est une question de démocratie. Comment peut-on prendre position lorsqu'on ne connaît pas les enjeux ?

De passage à Montréal en mars, le scientifique en chef de l'IPCC (Intergouvernemental Panel on Climate Change) donnait une conférence sur le risque d'ignorer les changements climatiques, organisée par l'École d'environnement de l'Université McGill. L'IPCC, affiliée aux Nations Unies, a publié depuis le début de l'année une série de rapports volumineux sur l'état de notre planète, résultats du travail accompli par des milliers de scientifiques à travers le monde depuis plusieurs années. Loin de jouer la carte du pessimisme, Watson semble désapprouver le fanatisme de certains environnementalistes et encourage même le développement, "mais un développement scientifiquement bien pensé". Son message : "les mentalités, les politiques, les lois et les technologies doivent changer. Aussi, les pays développés doivent travailler en partenariat avec les pays en voie de développement (PVD). Car les PVD seront les plus durement touchés tout en n'ayant pas les moyens de se défendre. On n'a plus le temps de chercher à qui la faute."

En dépit de l'importance de l'IPCC - ses rapports de cette année sont parmi les plus complets jamais pondus sur l'état de notre planète - et du poids international du conférencier, toutefois, seulement quatre journalistes étaient présents à cette conférence, qui avait lieu un dimanche après-midi. Le 6 mars dernier, l'IPCC publiait son troisième et dernier rapport, lequel lançait des pistes de solutions à l'intention de ceux qu'elle appelle les "décideurs". Pratiquement aucun média d'ici n'en a parlé. Les deux premiers rapports avaient fait l'objet d'une couverture au moment de leur publication, et puis plus rien - en dépit du fait qu'il s'agissait de documents d'un millier de pages chacun.

"Les journalistes ont le devoir d'expliquer cet amalgame d'informations aux gens qui ignorent les liens entre la science, l'économie et la pauvreté" insiste M. Watson. "Si les gens développent des peurs parce qu'ils sont maintenus dans l'ignorance, ça crée des tensions sociales inutiles". Robert Watson souhaite plutôt que les médias prennent conscience que nous sommes dans une société du savoir ; ce qui, concrètement, signifie que seule la connaissance constitue la clé qui permettra de résoudre les problèmes climatiques.

En France, les quotidiens consacrent entre zéro et une page par semaine spécifiquement à la science, contre un cahier entier chaque jour consacré aux sports. "Si ce sujet faisait plus souvent la première page des quotidiens, les pouvoirs publics soutiendraient davantage, financièrement, la recherche et le développement des technologies propres. Il y aurait sans doute plus de voitures alternatives à moindre coût dans les rues".

Optimiste de nature, M. Watson dit tout de même voir l'industrie et les gouvernements commencer à bouger. Mais lorsqu'on lui demande s'il lui arrive d'avoir peur pour l'avenir de la planète et de l'humanité, il répond : "Si dans cinq ans nous n'avons rien fait, je serai plus déprimé".

Les problèmes environnementaux entraîneront de nombreux coûts sociaux : en frais de santé, par exemple (maladies liées à la pollution de l'air, de l'eau, etc.). Ou en coûts cachés : par exemple, lorsqu'on évalue les coûts de l'exploitation du charbon, on oublie de calculer, au-delà des frais courants, la facture engendrée par les pluies acides. En bout de ligne, ce sont les gouvernements, donc les citoyens, qui devront débourser.

Il est inutile de prendre le parti des utopistes, et d'imaginer que l'arrêt de l'économie ou la croissance zéro soient des objectifs atteignables. Selon Robert Watson, il faut penser non pas en termes de solutions scientifiques, mais aussi en termes de changements politiques. Pour en arriver là, dit-il, il est impératif de créer un climat de changement qui rejoigne tous les acteurs de la société. "Ca tombe bien, dit-il, puisque les changements stimulent l'économie !"


Régis Philippe